The Near Future State of Blockchain Regulation (1)

 

The Crypto Wild West Has Lived Its Last Days in Europe:

regulation, integration, & that thin line between normalization and neutralization of the crypto-economy

 
 
 
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An in-depth discussion with a former crypto regulator and ex-director at Binance France

 

Stéphanie Cabossioras

 
 

French Version 🇨🇵

Raphaël Rossignol : Quelles sont les différences entre les approches européennes et américaines concernant la régulation, avec quels avantages et quels inconvénients ?

Stéphanie Cabossioras : Alors, les différences entre les approches européennes et américaines sur la régulation des actifs numériques. Ce que je peux dire, c'est que les Européens ont une approche plus ex ante de la régulation des cryptos. C'est-à-dire que la régulation européenne a commencé assez tôt. En fait, d'ailleurs, surtout en France, si je prends l'exemple français. Donc ça a commencé en 2019 avec la loi Pacte, qui était leur premier événement de régulation. Ensuite, les autorités européennes ont commencé à réfléchir à partir de 2020-2021. Et le règlement européen MICA a été publié en 2022. Donc finalement, on voit bien que la durée de la régulation, ça se fait sur plusieurs années. Ça permet aux acteurs de s'habituer, de monter en compétences, de co-construire les textes également. Donc c'est une approche plus ex ante de prévention des risques. Aux Etats-Unis, ce qu'on voit, c'est que le marché s'est développé plus rapidement. Il faut quand même reconnaître qu'il y a beaucoup d'entreprises dans le Web3, dans les cryptos, qui sont américaines, qui se sont développées en dehors d'une clarté juridique. Dans la mesure où il n'y avait pas de texte spécifique à cette activité Web3 crypto. Mais il y avait une incertitude juridique sur le fait de savoir soit si c'était non régulé, si soit cela tombait dans la réglementation financière de droit commun. Et finalement, cette clarté juridique arrive plutôt ex post, puisque c'est maintenant que les autorités de régulation s'emparent du sujet, font des procédures judiciaires, et ont vocation à déterminer si ces activités tombent dans le cadre de droit commun. Donc voilà, je dirais que c'est vraiment la différence entre les deux. En Europe, on a une approche qui est peut-être plus de gestion des risques. Qui va de pair avec peut-être une tolérance au risque qui est un peu plus faible, et une réglementation ex ante. Et aux Etats-Unis, plutôt une réglementation ex post, et de délimitation entre le droit financier traditionnel et le droit public.

R: Et quels sont les avantages comparés des deux approches ?

S: Alors, les avantages. En Europe, l'avantage c'est qu'il me semble que ça permet de mieux gérer les risques. Dans la mesure où on réglemente en amont, avant que les activités se développent vraiment. En fait, ça permet de faire en sorte que quand ces activités se développent, elles se développent normalement déjà dans un cadre régulé. Donc normalement, ça doit réduire le risque systémique ou d'autres risques réglementaires. L'avantage des Etats-Unis, c'est que ça permet nécessairement au marché de se développer beaucoup plus vite, parce qu'en fait, ils se développent de facto dans un cadre non régulé. Alors, après ça a d'autres inconvénients. Parce qu'en terme d’incertitude juridique et même en termes financiers, ça peut avoir quand même un impact. Parce que quand il y a une clarification du cadre juridique, il y a beaucoup de dépenses à engager pour se mettre au niveau. Mais c'est sûr que ça permet un développement du marché qui est plus rapide.

R: Sachant que chez les Américains, il y a eu beaucoup d'allers-retours sur la classification des actifs cryptos. Savoir si c’étaient des securities ou pas. Et visiblement, j'ai l'impression que c'est réglé, mais que c'est toujours susceptible de changer dans la jurisprudence.

S: Alors, je ne sais pas vraiment si c'est réglé. Comment je comprends les choses ? Je ne suis pas une spécialiste du cadre juridique américain. Soit on considère que certains actifs numériques sont des securities, soit des commodities. Donc c'est deux catégories juridiques différentes qui impliquent des cadres juridiques et des réglementations différentes. Soit on considère qu'ils ne tombent dans aucune de ces deux cases. Et donc, pour le moment, ils sont non régulés. Et dans ces cas-là, ça pourrait ouvrir la voie à avoir une réglementation spécifique sur ces actifs. En Europe, le choix qu'on a fait, c'est dès le début de créer un nouveau cadre juridique pour ces actifs. C'est la définition de la notion d'actif numérique qui a été définie dans la loi Pacte en France et reprise dans le règlement Lucas. Qui fait en sorte que pour les crypto-monnaies ou les jetons d'ICO, elles ont une définition à elles qui exclut la qualification comme instrument financier. Et dans ces cas-là, on bascule sur le régime propre aux prestataires des services sur actifs numériques. C'est un régime qui est taillé spécifiquement pour ces activités.

R: Quelles sont les innovations de la régulation européenne par rapport à la régulation française ?

S: Il y a deux choses qui n'étaient vraiment pas du tout dans la réglementation française de la loi Pacte. Il y a tout ce qui est régulation des stablecoins. Ça, ce n'était pas du tout traité au niveau national. Et là, le règlement MICA fait que dès lors qu'on émet un stablecoin, il faut avoir un agrément d'émetteur de monnaie électronique et respecter toutes les obligations traditionnelles de l'institution financière. Et en plus, il y a des règles spécifiques sur l'utilisation de la réserve. Faire en sorte que le taux de change, la parité reste bien fixe. Ça, c'est vraiment une avancée parce que tous les stablecoins n'avaient pas vraiment de qualification déterminée en droit français. Ça pouvait être considéré comme des actifs numériques. Mais on voyait bien que ce n'était pas la même nature qu'une crypto-monnaie qui n'a pas de parité fixe avec l'euro. Voilà. Donc ça, c'est très bien. Et l'autre avancée, c'est dans tout ce qui est réglementation des marchés et des prestataires de services sur actifs numériques, le fait que ces acteurs soient soumis à des obligations en termes de surveillance des marchés, d'intégrité des marchés. Donc ce sont des dispositions inspirées du règlement sur les abus de marché qui n'étaient pas vraiment dans la réglementation française et qui, maintenant, deviennent obligatoires pour tous les actifs. C'est intéressant parce que ça va donner plus de stabilité à ces marchés crypto. Puisque, actuellement, il y a deux reproches qui sont faits. Il y a toute la partie anti-blanchiment, pour gérer les risques de blanchiment. Et il y a toute la partie manipulation de marché. Et c'est vrai qu'en l'absence de règles sur ce sujet, en fait, on n'a pas vraiment de vision de ce qui se passe réellement. Ça permettra plus de confiance dans ces actifs, j'espère, à l'avenir.

R: Quand le MiCA entre-t-il en application ?

S: Alors, le règlement MICA va entrer en application en deux temps. La première échéance, c'est au 30 juin 2024. Donc c'est vraiment très proche. C'est pour toute la partie sur les stablecoins, notamment. Donc ça, c'est très important parce que, finalement, l'échéance est assez proche. Et ça veut dire que tous les émetteurs de stablecoins, que ce soit des stablecoins euro ou dollar, dans l'Union européenne, devront avoir un agrément d'établissement électronique au 30 juin. Sinon, la conséquence, c'est que, normalement, ces actifs doivent être délistés des plateformes européennes. Donc potentiellement, ça porte en germe quand même des grosses disruptions de marché. Parce que ce sont des actifs très importants, qui permettent de faire le lien entre les marchés cryptos et la finance traditionnelle. Donc là-dessus, il y a encore un peu d'incertitude pour savoir qui seront les acteurs de demain qui seront agréés comme établissements de monnaie électronique, et auront le droit d'agir en Europe, et comment va se passer cette transition pour qu’il y ait le moins de disruption possible sur les marchés européens. Et la deuxième date d’entrée en application, c’est début 2025. C’est toute la partie sur les visas d’ICO et les prestataires de services sur crypto-actifs. Cela veut dire que tous les acteurs qui se créeront à partir de cette date devront avoir un agrément européen, avec toutes les obligations étendues que cela suppose. Cela veut dire aussi que toutes les autorités de marché dans l’Union Européenne soient prêtes pour pouvoir recevoir des dossiers, les traiter, et délivrer ces agréments dans des conditions harmonisées. Ça sera vraiment un événement qui va changer la face du marché. Alors, quand même un élément pour nuancer, c’est qu’il y a une période de transition de 18 mois après l'entrée d'application durant laquelle tous les acteurs déjà enregistrés en vertu d’un régime national, peuvent continuer à exercer en attendant l’entrée en vigueur du régime européen. Ça permet de lisser l’impact pour éviter d’avoir un effet cliquet à la date de début janvier.

R: Les NFT et la DeFi sont pour l’instant hors du périmètre de la régulation européenne. Est-il prévu qu’ils y soient intégrés dans le futur proche ?

S: Alors les deux grandes absentes de la réglementation de MICA, c'est les NFT qui sont des jetons non frangibles, des jetons uniques et la DeFi. Alors ces deux cas d'usage, ces deux types de token ont été exclus parce que ces cas d'usage étaient en train d'émerger au moment de l'élaboration de la réglementation MICA où je crois que les législateurs n'avaient pas finalement assez de recul pour savoir de quelle manière il fallait légiférer là-dessus. Mais il est prévu que la Commission européenne fasse un rapport 18 mois après l'entrée en vigueur de MICA pour faire des recommandations sur comment traiter ces deux cas d'usage. Donc je pense qu'il y aura des propositions là-dessus parce que l'utilisation va croissant. Il y a quand même beaucoup de cas d'usage, beaucoup d'entreprises qui se créent autour de ça. L'enjeu sur les NFT, c'est de savoir dans quelle mesure on peut leur appliquer la réglementation financière. Parce que la réglementation MICA sur les CASP, c'est vraiment de la même nature que la réglementation MIF sur les entreprises d'investissement. Or les NFT, c'est un support technique mais qui peut donner lieu à plusieurs types d'usages et notamment dans le monde artistique. Dans ces cas-là, on se demande s’il vaut mieux appliquer à ces actifs la réglementation financière ou plutôt de la réglementation typiquement sur les œuvres d'art, etc. Donc ça, c'est vraiment l'enjeu de ce support technique qui est un peu particulier. Sur la DeFi, l'enjeu, c'est que pour le coup, la plupart des applications de la DeFi, c'est dans les services financiers mais ça se fait sans acteurs centralisés. Or toute la réglementation financière consiste à identifier des acteurs qui fournissent des services et à les réglementer. Comment réglementer un objet qui n'a pas d'acteur centralisé ? C'est vraiment ça tout l'enjeu. C'est d'essayer de comprendre dans quelle mesure il y a des cas d'usage qui comprennent quand même un acteur centralisé et quelles obligations on impose sur lui. Dans quelle mesure il y a des cas d'usage totalement décentralisés et dans ce cas, est-ce qu'on impose déjà une réglementation ? Est-ce qu'on se laisse une période d'attente pour voir comment se développe cette technologie qui pour l'instant est quand même un marché vraiment de niche, ce n'est pas du tout un enjeu systémique. Est-ce qu'il y a des nouveaux usages de régulation qui peuvent émerger qui permettraient de réguler de manière un peu originale ces activités-là ? On parle souvent de embedded supervision, c'est-à-dire peut-être que les régulateurs pourraient aller superviser directement la blockchain, directement les protocoles pour voir comment se passent ces transactions mais sans demander des informations à un tiers de confiance qui serait supposé opérer le protocole.

R : Pour nos lecteurs, comment la régulation est-elle élaborée, éco-construite ?

S: La régulation est élaborée en matière de crypto de la même manière que pour les autres régulations, donc il n'y a pas vraiment de spécificité. Au niveau français, c'est l'apanage du législateur et de l'exécutif, du gouvernement, en tout cas dans la loi Pacte, c'était le cas, c'était une loi proposée par le gouvernement et votée par le législateur. Et donc ce qui, je pense, était intéressant, c'était qu'il y a quand même eu une discussion entre l'industrie et le gouvernement et les législateurs pour être sûr que les propositions qui étaient faites collaient quand même à la réalité du secteur qui était assez naissant à cette époque-là, en 2019, c'était quand même le début de ces activités. Et après, la réglementation au niveau européen, c'est toujours le même process, donc ça commence souvent par un livre blanc de la commission, une proposition législative, les discussions au Conseil et au Parlement, les trilogues et le vote final. La spécificité, c'est que ce processus législatif au niveau européen, il est très très long et alors ça peut être un avantage et un avantage pour les autres, mais c'est toujours le même processus. Et alors ça peut être un avantage et un inconvéninent. L’avantage, c'est que ça laisse le temps à une industrie de se développer avant d'être régulée. L'inconvénient, c'est que s'il y a des risques pressants à gérer ou à mitiger, ce ne sera pas fait rapidement. Et c'est vrai que les discussions au niveau européen ont commencé peut-être en 2020. Le règlement a été adopté en 2022 et il s'appliquera en 2025, plus la période de 18 mois en 2026. Donc voilà, il faut essayer de trouver un équilibre. Il faut essayer de trouver un équilibre entre ne pas tuer l'innovation et quand même gérer ses risques. Mais en tout cas, c'est quand même extrêmement vertueux que dans le processus législatif soit inclus l'industrie. Parce que sur ces sujets d'innovation, faire des choses en chambre, c'est la garantie de se tromper et de tuer l'activité.

R: La réglementation va-t-elle amener à ralentir la croissance du marché crypto selon vous ? Ou non ?

S: C’est difficile à savoir parce qu'il y a deux effets qui se combinent. Le premier, c'est que nécessairement, les exigences pour rentrer dans ce marché vont être beaucoup plus élevées en Europe. Puisque le niveau de réglementation et donc le niveau d'investissement sont très différents. Puisque le niveau d'investissement qui va être nécessaire pour pouvoir exercer ces activités va être plus élevé. Il va falloir obtenir des agréments qui sont plus compliqués à avoir, dépenser des frais d'avocat, etc. Il va falloir développer et maintenir des processus de conformité beaucoup plus exigeants, non seulement de LCBFT, mais surveillance des marchés, protection des investisseurs, fonds propres, etc., beaucoup plus coûteux. Donc, a priori, ça va quand même entraîner un effet de consolidation du marché puisqu'il n'y a que les acteurs d'une certaine taille critique ou qui ont levé suffisamment de fonds qui vont pouvoir assumer ce niveau de coûts. L'autre effet qui va dans le sens inverse, c'est que ça va renforcer normalement la confiance dans ce marché. Puisque désormais, tous les acteurs vont être régulés avec le même niveau d'exigence qu'une entreprise d'investissement. Donc ça, ça peut aussi être de nature à généraliser l'adoption des crypto-actifs. Donc, il y a des investisseurs qui, à présent, sont un peu hésitants parce qu'ils ne savent pas vraiment à quel intermédiaire ils confient leurs fonds. Demain, s'ils sont régulés avec un niveau d'exigence européen harmonisé partout dans l'Union Européenne, ce sera quand même beaucoup plus confortable et ça devrait faciliter l'extension de ce marché. Donc, on verra quel effet l'emporte.

R: Est-ce que ça veut dire que les échanges centralisés sont par nature incapables de s'autoréguler ?

S: Alors, moi, je ne crois pas beaucoup à l'autorégulation. Je pense que si on veut avoir un niveau d'exigence, un standard élevé qui correspond aux attentes des investisseurs européens, il faut avoir des textes dans le dur et, si possible, harmoniser au niveau européen. Donc ça, ce sera le cas avec MiCA. Je pense que le but de toute la question, c'est de savoir si les échanges centralisés vont pouvoir s'adapter à ce niveau de régulation, à ce niveau d'exigence qui, pour l'instant, est assez unique dans le monde. Beaucoup de pays commencent à développer des réglementations crypto, mais je pense qu'une réglementation aussi large, aussi étendue, aussi exigeante que le règlement MiCA, ça n'existe qu'en Europe. Et donc ça, ça va nécessairement prendre du temps. Et j'espère que ça permettra quand même des avancées en termes de protection des investisseurs.

R: Vu le coût de la mise en conformité des projets, est-il encore possible pour les petites structures sans service juridique d’entrer sur le marché ?

S: Pour toutes les raisons que j'ai expliquées, ça va nécessiter des coûts et également des fonds propres importants. Alors ça ne veut pas nécessairement dire que c'est impossible, ça veut juste dire qu'il va y avoir un besoin de financement accru pour les entreprises françaises et européennes. Donc il faut qu'il y ait un soutien de la part des fonds d'investissement, des structures publiques pour venir injecter l'argent nécessaire pour que le secteur entier vienne se réguler. Ça reste quand même un enjeu parce que dans la situation actuelle de bear market, on voit quand même un tassement du financement et donc il ne faudrait pas que ça vienne pénaliser le secteur crypto européen qui, parce qu'il a des obligations alimentaires et finalement moins de financement, serait désavantagé par rapport à d'autres acteurs internationaux. Donc j'espère qu'il y aura quand même un accompagnement des autorités publiques et des fonds d'investissement pour faciliter en tout cas l'accès à ce marché pour les petites structures.

R: Dans le monde de la crypto, certains voient un lien entre l’intérêt de la TradFi pour les cryptos, et le tour de vis opéré aux États-Unis sur les échanges centralisés. Partages-tu cette opinion ?

S: Je ne sais pas vraiment s'il y a un lien. Non, honnêtement, je ne sais pas. Je ne pense pas. Il y a un intérêt montant de la tradFi pour la crypto. Parce que petit à petit, l'intérêt de la technologie commence à être compris par la sphère institutionnelle. L'intérêt en termes d'impact sur les transactions financières, de gains de productivités, de gains de temps, d'économie collatérale, etc. Et je pense aussi qu'on arrive à un moment où les institutions financières traditionnelles ont pu monter des équipes, analyser cette technologie, faire des cas d'usage, etc. Et donc, elles commencent à s'approprier la technologie.

R: Est-ce pour cela que la régulation pour les CEX est encore plus stricte que pour la TradFi, alors que celle-ci permet paradoxalement une plus grande traçabilité ?

S: Alors, je dirais pas que la régulation pour les échanges centralisés est plus stricte que pour la tradFi. En tout cas, en Europe, c'est pas le cas. Parce que la réglementation sur les CASP, donc les prestations d'affaires de gestion des crypto-actifs, est inspirée de la réglementation sur les entreprises d'investissement, la réglementation de MIF. Mais ça reste quand même un peu plus léger. Et c'est pas du tout de la même nature que des agréments bancaires. Donc, la réglementation sur les échanges centralisés est un peu plus légère. Mais je pense qu'elle va certainement évoluer quand même vers plus d'exigence. Et après, sur la traçabilité, elle est prise en compte dans la réglementation traditionnelle. Par exemple, sur tout ce qui est anti-blanchiment, le fait que ce soit traçable, ça vient rajouter un outil, par exemple, de surveillance des transactions. Les banques ont des outils de surveillance des transactions où elles identifient, par exemple, les paiements récurrents, les paiements de petits montants. Eh bien, les échanges centralisés vont faire pareil. Mais en plus, ils auront un outil de surveillance des transactions on-chain pour voir s'il n'y a pas une exposition à des portefeuilles sanctionnées par différents pays. Donc ça vient rajouter un élément de précision dans un cadre juridique qui est le même.

R: Est-ce la fin d'un écosystème crypto indépendant de l'industrie bancaire ?

S: Alors, je pense qu'à l'avenir, il y aura un rapprochement entre l'industrie financière et le monde de la crypto. Je pense que c'est l'avenir parce qu'on voit bien que déjà la réglementation, la manière dont nos sociétés appréhendent ces activités va être similaire. Petit à petit, dans la vision des décideurs, c'est le même type d'activité c'est juste que les actifs sous-jacents sont différents et on voit bien donc la crypto fait le mouvement vers la finance traditionnelle parce qu'elle s'institutionnalise, elle devient régulée, et que la finance traditionnelle fait le mouvement vers la crypto en développant des produits des services. Je pense qu'à terme il y aura un rapprochement. Après là où ça reste encore très différent c'est vraiment sur tout ce qui est DeFi : ça reste un écosystème très innovant essentiellement de développeurs très marginal mais qui est porteur d'énormément d'innovations. Je crois que ça va avoir un impact extrêmement important sur la manière dont on fournit les services financiers mais les produits ne sont pas encore mûrs pas du tout pour un développement généralisé sur la DeFi. Je pense qu'il y a encore quelque chose d'assez circonscrit au monde de la crypto et qui ne touche pas encore la finance traditionnelle

R: BlackRock a créé le premier ETF sur le Bitcoin. Concrètement, cela signifie que le Bitcoin devient un produit de placement comme un autre. Dans les faits, cela implique que BlackRock ait acheté une quantité considérable de Bitcoin sur le marché pour constituer son ETF. Qu'est-ce que ça change par un Bitcoin qui est initialement décentralisé ?

S: Je pense pas que les ETF sur le Bitcoin remettent en cause le caractère décentralisé du Bitcoin. On voit bien que finalement le Bitcoin c'était la première blockchain qui a été créée. C'est encore un des actifs les plus utilisés dans la crypto 15 ans après. C'est vraiment un actif qui a passé l'épreuve du temps. Et le fait d'ailleurs que les ETF se portent en priorité là-dessus montre bien que c'est l'actif le plus intéressant. Peut-être même du fait de sa nature décentralisée, du fait qu'il n'y a pas d'émetteur identifié, qu'il n'y a pas de lien entre cet actif et une entreprise. C'est vraiment finalement le seul actif qui pourrait être considéré comme de la vraie monnaie numérique, bien sûr sans cours légal. Donc je pense pas du tout que les ETF remettent en question la nature décentralisée du Bitcoin. Je pense qu'au contraire c'est quelque chose qui peut être de nature à augmenter sa valeur. Et à augmenter l'adoption du Bitcoin, soit directement parce que du coup les investisseurs peuvent se dire que si des géants de la finance font des ETF, c'est peut-être un actif qui en vaut la peine. Soit il peut y avoir une exposition indirecte en achetant du coup les ETF qui donnent une exposition au Bitcoin.

English Version 🇬🇧 🇺🇲

Raphaël Rossignol: What are the differences between European and American approaches to regulation, and what are the advantages and disadvantages?

Stéphanie Cabossioras: Well, the differences between European and American approaches to the regulation of digital assets. What I can say is that Europeans have a more proactive approach to crypto regulation. That is to say, European regulation started quite early. In France, for example, it began in 2019 with the Pacte law, which was their first regulatory event. Then, European authorities started thinking from 2020-2021 onwards. The European regulation MICA was published in 2022. So, in the end, we can see that the duration of regulation spans several years. This allows stakeholders to adapt, acquire expertise, and also co-construct the texts.

So, it's a more proactive approach to risk prevention. In the United States, what we see is that the market has developed more rapidly. It must be acknowledged that there are many companies in Web3, in crypto, that are American and have developed without legal clarity. There was uncertainty about whether it was unregulated or fell under common financial regulation. And finally, this legal clarity arrives rather retrospectively, as regulatory authorities now take on the subject, initiate legal proceedings, and aim to determine if these activities fall under the common legal framework. So, I would say that's really the difference between the two. In Europe, we have an approach that is perhaps more risk management-oriented, which may be coupled with a slightly lower risk tolerance and proactive regulation. In the United States, there's more of a retrospective regulation and a distinction between traditional financial law and public law.

R: And what are the comparative advantages of the two approaches?

S: Well, the advantages. In Europe, the advantage is that it seems to better manage risks. By regulating upstream, before activities really develop, it ensures that when these activities do develop, they already do so in a regulated framework. So, it should reduce systemic risk or other regulatory risks. The advantage of the United States is that it necessarily allows the market to develop much faster because, in fact, it develops de facto in an unregulated framework. However, it has other disadvantages because in terms of legal uncertainty and even financial terms, it can still have an impact. When there is a clarification of the legal framework, a lot of expenses need to be incurred to get up to speed. But it certainly allows for a faster market development.

R: Knowing that in the United States, there has been a lot of back and forth on the classification of crypto assets. Whether they are securities or not. And apparently, I have the impression that it's settled, but it's still subject to change in jurisprudence.

S: Well, I'm not really sure if it's settled. How I understand things? I'm not an expert in the American legal framework. Either some digital assets are considered securities, or they are commodities. So these are two different legal categories that imply different legal frameworks and regulations. Or they are considered to fall into neither of these categories. And so, for the moment, they are unregulated. In these cases, it could pave the way for specific regulation of these assets. In Europe, the choice we made from the beginning was to create a new legal framework for these assets. The definition of the concept of digital assets was defined in the Pacte law in France and echoed in the Lucas regulation. This ensures that for cryptocurrencies or ICO tokens, they have their own definition that excludes qualification as a financial instrument. In these cases, we switch to the regime specific to digital asset service providers. It's a regime tailored specifically for these activities.

R: What are the innovations of European regulation compared to French regulation?

S: There are two things that were not at all in the French regulation of the Pacte law. There is everything related to the regulation of stablecoins. This was not at all addressed at the national level. And now, the MICA regulation states that as soon as you issue a stablecoin, you need to have an electronic money issuer license and comply with all the traditional obligations of a financial institution. Additionally, there are specific rules on the use of the reserve, ensuring that the exchange rate and parity remain fixed. This is a real step forward because not all stablecoins had a determined qualification in French law. It could be considered as digital assets, but it was clear that it was not the same nature as a cryptocurrency that does not have a fixed parity with the euro. So, that's really good. And the other advancement is in the regulation of markets and providers of services on digital assets, the fact that these actors are subject to obligations in terms of market surveillance and market integrity. These are provisions inspired by the market abuse regulation that were not really in French regulation and are now becoming mandatory for all assets. It's interesting because it will provide more stability to these crypto markets. Currently, there are two criticisms. There's the anti-money laundering part to manage money laundering risks. And there's the market manipulation part. Without rules on this subject, there's not really a clear understanding of what is happening. This will hopefully instill more confidence in these assets in the future.

R: When does MICA come into effect?

S: So, the MICA regulation will come into effect in two stages. The first deadline is June 30, 2024. So, it's very close. It's for the part related to stablecoins, in particular. This is crucial because the deadline is quite close. And it means that all issuers of stablecoins, whether they are euro or dollar stablecoins, in the European Union, must have an electronic money establishment license by June 30. Otherwise, the consequence is that, normally, these assets must be delisted from European platforms. So, potentially, it carries the seed of significant market disruptions. Because these are very important assets that bridge the gap between crypto markets and traditional finance. There is still some uncertainty about who the future players will be who will be licensed as electronic money establishments, and how this transition will take place to minimize disruptions in European markets.

And the second date of entry into application is early 2025. It's for the part related to ICO visas and providers of services on crypto-assets. This means that all actors created from this date onwards must have a European license, with all the extended obligations that this entails. It also means that all market authorities in the European Union must be ready to receive, process, and issue these licenses under harmonized conditions. It will really be an event that will change the face of the market. However, one element to nuance is that there is an 18-month transition period after the entry into application during which all actors already registered under a national regime can continue to operate while waiting for the European regime to take effect. This allows for smoothing the impact to avoid a sudden effect in early January.

R: NFTs and DeFi are currently outside the scope of European regulation. Is there a plan to integrate them in the near future?

S: The two major omissions from the MICA regulation are NFTs, which are non-fungible tokens, unique tokens, and DeFi. These two use cases, these two types of tokens, were excluded because these use cases were emerging at the time of the elaboration of the MICA regulation, and legislators, I believe, did not have enough hindsight to know how to legislate on them. However, it is planned for the European Commission to produce a report 18 months after the entry into force of MICA to make recommendations on how to address these two use cases. So, I think there will be proposals because the usage is growing. There are many use cases, many companies emerging around these technologies. The challenge with NFTs is to determine to what extent financial regulation can be applied to them. Because MICA regulation on Digital Asset Service Providers (DASPs) is of the same nature as MiFID regulation on investment firms. However, NFTs are a technical support that can be used in various ways, especially in the artistic world. In these cases, we wonder whether to apply financial regulation to these assets or rather apply regulation typically related to art. So, that's the challenge of this somewhat unique technical support.

Regarding DeFi, the challenge is that most DeFi applications are in financial services but are done without centralized actors. However, all financial regulation aims to identify actors providing services and regulate them. How do you regulate an object that has no centralized actor? That's really the whole challenge. It's about trying to understand to what extent there are use cases that still involve a centralized actor and what obligations are imposed on it. To what extent there are completely decentralized use cases, and in this case, do we already impose regulation? Or do we wait to see how this technology, which is currently a niche market, not a systemic issue, develops? Are there new regulatory approaches that can emerge to regulate these activities in a somewhat original way? We often talk about embedded supervision, meaning regulators could directly supervise the blockchain, directly the protocols to see how these transactions are going without asking for information from a trusted third party that is supposed to operate the protocol.

R: For our readers, how is regulation developed, co-constructed?

S: Regulation for crypto is developed in the same way as other regulations, so there isn't really anything specific. In France, it's the prerogative of the legislator and the executive, the government. In the case of the Pacte law, it was a law proposed by the government and voted on by the legislator. What I think was interesting was that there was still a discussion between the industry and the government and legislators to ensure that the proposals made aligned with the reality of the sector, which was quite nascent at that time in 2019. After that, regulation at the European level follows the same process. It often starts with a white paper from the commission, legislative proposal, discussions in the Council and Parliament, trilogues, and the final vote. The specificity is that this legislative process at the European level is very long, which can be an advantage or a disadvantage.

The advantage is that it gives an industry time to develop before being regulated. The disadvantage is that if there are urgent risks to manage or mitigate, it won't be done quickly. Discussions at the European level may have started in 2020. The regulation was adopted in 2022 and will apply in 2025, plus the 18-month period in 2026. So, you have to try to find a balance. You have to try to find a balance between not stifling innovation and still managing risks. But in any case, it is extremely virtuous that the industry is included in the legislative process. Because on these innovation topics, doing things behind closed doors is a guarantee of making mistakes and killing the activity.

R: Will regulation slow down the growth of the crypto market, in your opinion? Or not?

S: It's hard to say because two effects combine. First, the requirements to enter this market will necessarily be much higher in Europe. Since the level of regulation and therefore the level of investment are very different. The level of investment required to carry out these activities will be higher. It will be necessary to obtain more complicated licenses, spend lawyer fees, etc. It will be necessary to develop and maintain much more demanding compliance processes, not only for AML/CFT but also market surveillance, investor protection, capital requirements, etc., much more costly. So, a priori, this will lead to a market consolidation effect because only actors of a certain critical size or who have raised enough funds will be able to bear this level of costs.

The other effect that goes in the opposite direction is that it should normally strengthen confidence in this market. Now, all actors will be regulated with the same level of requirements as an investment firm. So, this could also be conducive to widespread adoption of crypto-assets. Therefore, investors who are currently hesitant because they don't really know which intermediary to trust with their funds might feel more comfortable in the future. If they are regulated with a harmonized European level of requirement throughout the European Union, it should be much more comfortable and should facilitate the expansion of this market. So, we'll see which effect prevails.

R: Does this mean that centralized exchanges are inherently unable to self-regulate?

S: Well, I don't believe much in self-regulation. I think that if we want to have a high level of requirements, a standard that corresponds to the expectations of European investors, we need to have concrete regulations and, if possible, harmonize at the European level. So, this will be the case with MiCA. I think the whole question is whether centralized exchanges will be able to adapt to this level of regulation, to this level of requirement, which, for the moment, is quite unique in the world. Many countries are starting to develop crypto regulations, but I think that a regulation as broad, extensive, and demanding as the MiCA regulation only exists in Europe. So, this will necessarily take time. And I hope it will still lead to advances in terms of investor protection.

R: Given the cost of compliance for projects, is it still possible for small structures without legal services to enter the market?

S: For all the reasons I explained, it will require significant costs and capital. So, it doesn't necessarily mean it's impossible; it just means there will be a need for increased funding for French and European companies. So, there needs to be support from investment funds and public structures to inject the necessary money for the entire sector to come into compliance. It remains an issue because in the current bear market situation, we see a contraction of funding, and it shouldn't penalize the European crypto sector, which, due to its livelihood obligations and ultimately less funding, would be disadvantaged compared to other international players. So, I hope there will be support from public authorities and investment funds to facilitate access to this market for small structures.

R: In the crypto world, some see a link between the interest of TradFi in cryptos and the tightening in the United States on centralized exchanges. Do you share this opinion?

S: I don't really know if there is a link. No, honestly, I don't know. I don't think so. There is a growing interest from TradFi in crypto because little by little, the interest in the technology is beginning to be understood by the institutional sphere. Interest in terms of impact on financial transactions, productivity gains, time savings, collateral savings, etc. And I also think we are reaching a point where traditional financial institutions have been able to set up teams, analyze this technology, create use cases, etc. So, they are starting to embrace the technology.

R: Is that why regulation for CEX is even stricter than for TradFi, although paradoxically, the latter allows for greater traceability?

S: Well, I wouldn't say that regulation for centralized exchanges is stricter than for TradFi. At least, in Europe, that's not the case. Because the regulation on Digital Asset Service Providers (DASPs), which are businesses providing services for managing crypto-assets, is inspired by the regulation on investment firms, the MiFID regulation. But it's still a bit lighter. And it's not at all of the same nature as banking licenses. So, the regulation for centralized exchanges is a bit lighter. But I think it will certainly evolve towards more requirements. And on traceability, it is taken into account in traditional regulation. For example, in terms of anti-money laundering, the fact that it is traceable adds a tool, for example, for transaction monitoring. Banks have transaction monitoring tools where they identify, for example, recurring payments, small amount payments. Well, centralized exchanges will do the same. But additionally, they will have an on-chain transaction monitoring tool to see if there is no exposure to wallets sanctioned by different countries. So, it adds an element of precision in a legal framework that is the same.

R: Is this the end of a crypto ecosystem independent of the banking industry?

S: Well, I think in the future, there will be a convergence between the financial industry and the world of crypto. I think that's the future because we can see that already the regulations, the way our societies approach these activities will be similar. Gradually, in the vision of decision-makers, it's the same type of activity; it's just that the underlying assets are different. And we can see that crypto is moving towards traditional finance because it's institutionalizing, becoming regulated, and traditional finance is moving towards crypto by developing products and services. I think ultimately there will be a convergence. However, where it still remains very different is on everything related to DeFi: it remains a very innovative ecosystem mainly driven by developers, very marginal but carrying a lot of innovations. I believe it will have an extremely important impact on how financial services are provided, but the products are not yet mature at all for widespread development in DeFi. I think it's still something quite confined to the crypto world and has not yet touched traditional finance.

R: BlackRock has created the first ETF on Bitcoin. In concrete terms, this means that Bitcoin becomes an investment product like any other. In fact, this implies that BlackRock has bought a considerable amount of Bitcoin on the market to create its ETF. What does this change for a Bitcoin that is initially decentralized?

S: I don't think that Bitcoin ETFs call into question the decentralized nature of Bitcoin. We can see that ultimately Bitcoin was the first blockchain created. It's still one of the most used assets in crypto 15 years later. It's really an asset that has stood the test of time. And the fact that ETFs prioritize it shows that it's the most interesting asset. Perhaps even because of its decentralized nature, the fact that there is no identified issuer, no link between this asset and a company. It's really ultimately the only asset that could be considered true digital currency, of course without legal tender. So, I don't think ETFs at all challenge the decentralized nature of Bitcoin. On the contrary, I think it's something that can increase its value. And increase the adoption of Bitcoin, either directly because investors might think that if finance giants are creating ETFs, it might be a worthwhile asset. Or there can be indirect exposure by buying ETFs that provide exposure to Bitcoin.